En 1884, Louis Ducos du Hauron rejoint son frère qui vient d’être nommé président de la Cour d’assises d’Alger. Il séjournera 12 ans, au 68 de la rue de Rovigo.
« C’est un donjon qui domine toute l a plage, dit Louis. De nos fenêtres nous planons sur la mer et sur d’immenses contrées verdoyantes. C’ est enchanteur. »
Cette période algéroise est connue grâce à la correspondance qu'échange régulièrement Louis et Alcide avec le secrétaire perpétuel de la Société académique d’Agen, Georges Tholin.
A peine arrivé, Louis parcourt et photographie Alger et ses faubourgs, réalisant ainsi les toutes premières photos en couleurs d’Alger comme il l’avait fait à Agen.
Il acquière une presse photocollographique, apprenant seul à s'en servir. Courant la campagne pour réaliser des clichés, il confectionnait ses planches et réalisait ses tirages. Il fit ainsi une vingtaine (du moins connus) de trios de négatifs qui produisirent une vingtaine d’épreuves pour chacun des trios, vendues au prix moyen de 10 Francs. Ce n’est certes pas avec cette somme qu’il put amortir sa mise de fonds. Afin d’y remédier, il exerce un professorat de piano au Sacré-Cœur d’Alger et donne des cours à quelques familles de la bourgeoisie algéroise pendant un temps. Puis « Pour se vouer tout entier à son œuvre, il a renoncé à sa situation de professeur de piano au Sacré-Cœur d'Alger et dans diverses familles
»
Il adresse le 04 juin 1892 une épreuve photocollographique à la Société Française de Photographie. Le courrier qui l’accompagne souligne sa déception devant le peu d’enthousiasme des photographes vis à vis de sa découverte.
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Louis Ducos du Hauron tente aussi de construire une triple chambre noire , mais ses déboires sont à la hauteur de ses espérances et il dépose plainte contre l’ébéniste qui l’a réalisée : « Hélas, écrit-il au procureur d’Alger, l’objet est un bricolage. Cet appareil est un leurre. Il faut deux hommes ou bien une voiture pour le transporter d’un quartier à l’autre »
Il en revient donc à sa chambre classique de petit format et doit procéder à l’agrandissement de ses clichés.Il met en vente ses photos au prix moyen de 10 Francs, mais cela ne suffit pas à couvrir les frais qu'entrainent ses recherches ni à amortir ses investissements. Car il cherche toujours à entreprendre son grand projet d'imprimerie couleurs.
Guy Devaux rapporte que le célèbre pharmacien et photographe Léopold Mathet rencontre Louis Ducos du Hauron à Alger et lui écrira : « Avec quel feu je l’ai entendu parler de ses diverses inventions, tirages en couleurs, anaglyphes, plaque à réseau qu’il entrevit ».
Il adresse ses clichés expérimentaux à Toulouse à l'atelier de phototypie d'André Quinsac.en vue d'industrialiser ses procédés , C'est en 1882 queLouis Ducos du Hauron s’est décidé à se lancer dans la création d’une imprimerie trichrome dans la ville rose. C’est en effet à Toulouse qu’exerce André Quinsac un spécialiste de phototypies noir et blanc . Il le persuade de tenter l’expérience de collotypies, c’est-à-dire l’impression des couleurs. Il était appuyé dans cette démarche par un groupe d’investisseurs agenais menés par son ami Alexandre Jaille. Cet ingénieur agronome avait fondé une droguerie en 1851. Il est connu localement pour s’être associé avec Georges Thomas le manufacturier pour avoir été le cofondateur de la Chambre de commerce et d’industrie d’Agen, et être à l’origine de la Droguerie centrale du Sud-Ouest.
Dans une lettre à Tholin, on apprend qu’il lui demandait d’effectuer la supervision des tirages adressé à Quinsac.. Et conformément à son besoin d’excellence en tout, il était quelque peu exigeant. Ainsi en 1884 il lui fait non pas des remontrances, mais des recommandations sans équivoques : « les deux spécimens que vous venez de nous adresser sont beaucoup trop défectueux pour qu’on puisse espérer le placement d’un tel tirage » Et il en donne les raisons, mettant directement en cause le photograveur « Je crois que les clichés étaient excellents, malheureusement, on s’est servi d’encrages qui ont refusé de se superposer mécaniquement comme cela était arrivé quelquefois en ma présence à Toulouse. Ces deux images sont vertes et sans vigueur, le rouge ne s’est pas reparti en quantité suffisante. Dans des cas analogues, Monsieur Quinsac, en ma présence, avait trouvé le remède par la substitution d’une nouvelle encre à celle qui n’allait pas ». En somme, Louis Ducos du Hauron refusait – avec raison - le tirage de ses clichés sans la présence de lui-même ou de Monsieur Quinsac. Quant au pauvre Georges Tholin, d’être le représentant en France d’une telle personnalité ne devait pas être de tous repos.
Mais Louis Ducos du Hauron joue décidément de malchance
En 1888, C’est d’Alger que Louis Ducos du Hauron apprend l’incendie qui vient de ravager les ateliers de phototypie d’André Quinsac à Toulouse. Louis, toujours autant résolu, avait donc dû affronter les pires difficultés techniques de mise au point de son procédé avant d'apprendre que tous ses efforts n'avaient servi qu'à alimenter les flammes.
Zeynep ÇELIK, Frances TERPAK et Julia CLANCY-SMITH publient en 2009. ”Walls of Algiers : Narratives of the City through Text and Image” qui comporte une très lumineuse image du port d’Alger malheureusement un peu flou. Les Archives du Lot-et-Garonne possèdent quant à elles un magnifique panorama couleurs de la Casbah ainsi que des monochromes (cyan, Magenta et jaune) des environs d'Alger de cette période |
L’incendie toulousain met donc un terme provisoire à ses ambitions industrielles. Il reprend ses travaux sur les anaglyphes.qu'il met au point en 1891 mais surtout et plus particulièrement sur une invention majeure, le "polyfolium", qui sera ni plus ni moins, le système de pellicule couleur qui sera plus tard développé par les américains avec le Kodakchrome et les allemands avec l’Agfacolor.
Non seulement il l'a décrit mais la propose aux frères lumières dans une lettre datée du 19 juin 1896 "Qu’ils le veuillent ou non, tous ceux qui, sous une forme quelconque, tirages photomécaniques et accélérés ou tirages d’amateur et à petite vitesse, vont vouloir faire de la polychromie photographique en trois couleurs, seront forcément conduits à préférer aux incommodes et encombrantes triples chambres noires proposées soit par moi-même jusqu’à ces derniers temps, soit par différents constructeurs, le dispositif que j’ai imaginé et breveté sous le nom de Polyfolium Chromodialytique : c’est un mince cahier constitué par une alternance d’écrans colorés pelliculaires et de pellicules sensibles s’impressionnant les unes à travers les autres, le tout contenu dans le châssis négatif d’une chambre noire quelconque. Le livre que nous allons faire paraître contient la minutieuse description de ce dispositif. Je viens de l’expérimenter à fond : il fonctionne dans la perfection, il me procure le trio irréprochable des trois phototypes, créés, l’un par la lumière bleu-violette, le second par la lumière verte, le troisième par la rouge-orangée. Pour ces expériences j’ai dû, faute de trouver dans le commerce les trois pellicules toutes préparées, m’accommoder de pellicules Planchon mises en vente par votre maison ; j’ai dépouillé du gélatino-bromure d’argent deux de ces pellicules et j’y ai substitué les préparations transparentes voulues, la troisième, celle du rouge-orangé, étant laissée telle quelle. Une pression très modérée du livret dans le châssis a assuré la grande finesse des trois images. […] Je viens maintenant vous proposer de vous charger de la fabrication industrielle de ce polyfolium. […]
Les relations
qu’il entretient à Alger avec les milieux photographiques locaux,
lui ont permis de rencontrer A. Bouyer qui tient une imprimerie
typographique et lithographique, et Alexandre Leroux, un
photograveur.Malheureusement à ce jour, nos investisgations auprès de ces photographes ne nous ont rien apporté de nouveau.
Une lettre échangée entre Louis Ducos du Hauron et Georges,
Tholin, secrétaire perpétuel de la Société académique d’Agen
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