Introduction à Louis Ducos du Hauron

Les savants et inventeurs de l'époque de Louis Ducos du Hauron sont, pour la plupart, des Pic de la Mirandole qui se doublent de Géo Trouvetout.

Ils s'intéressent à toutes les sciences et à toutes les formes artistiques.

Ainsi, la majorité des chercheurs dans le domaine de la photographie sont passés par le stade de la création picturale.

Ducos du Hauron n'échappe pas à ce constat général.

Si Louis Ducos du Hauron est si méconnu, il est difficile d’en comprendre les raisons. Il est par certains côtés l’exemple type du savant français, inventeur de génie et pourtant ignoré par ces concitoyens, voire ses confrères. Et il n’est pas étonnant que nombre d’inventions d’origine française seront attribuées à des inventeurs étrangers. Encore aujourd’hui, la vérité est ignorée. Ducos du Hauron; avec lucidité et sans aigreur aucune; imputait cette ingratitude aux préjugés formulés par " certains savants " et dont le mépris ne facilita guère la résolution des nombreux problèmes techniques qu’il rencontra .

Du mépris pour ces sociétés savantes du midi ? De la jalousie ? Nous ne le pensons pas, même si l’on peut se poser toutefois la question.

S'il est né à Langon rue Notre Dame,le 8 décembre 1837, il est issu d'une famille de la bourgeoisie agenaise. Son père Jérôme, dit « Amédée » est bordelais et exerce la charge de fonctionnaire des contributions indirectes. Il épouse Marguerite Boivin . Louis est le second enfant d'une fratrie de trois. L'aîné, Alcide est juriste mais aussi fin homme de lettres. Ce qui lui vaudra d'ailleurs d'être reçu en 1857 comme membre résidant de la Société académique des arts, lettres et sciences d'Agen, où il exerce.

La cadette de la famille, Berthe est née à Libourne en 1842.

Entre sciences et arts

Dans les familles bourgeoises qui se respectent, on ne va pas à l'école du peuple. On a des précepteurs à domicile et non des moindres, rétribués en vertu de leurs connaissances.

Louis en fait l'expérience et révèle rapidement des dispositions multiples.

S'il se montre passionné par les sciences, notamment la physique et la chimie, il présente aussi des dispositions réelles pour la peinture, un art bien évidemment lié de près à la lumière dont Louis s'efforcera, toute sa vie, de percer les divers secrets.

Il est aussi un jeune Mozart qui, dès l'âge de 15 ans, est un pianiste de talent d'ailleurs remarqué par Camille Saint Saëns avec lequel il entretiendra une correspondance nourrie. Ce dernier lui écrit d’ailleurs :

Je sais que vous êtes héroïque sur le piano et que les difficultés vous attirent au lieu de la vous faire peur… Si vous ne connaissez pas le caprice sur Alceste (ou plutôt sur les airs de ballets de cet opéra) je prends la liberté de vous le recommander particulièrement. C’est un des morceaux que j’ai joué avec le plus de plaisir et des pianistes célèbres n’ont pas dédaigné de le mettre dans leur répertoire de concert...

Par contre, Louis, s'il sera un chercheur assidu et même un visionnaire, ne saura jamais promouvoir et monnayer ses inventions pourtant révolutionnaires et sera bien incapable de subvenir à ses besoins. Au point qu'il vivra toute sa vie aux crochets de son frère aîné Alcide qui sera en quelque sorte son mécène et son protecteur.

Du Sud-Ouest à Paris en passant par l'Algérie

Ce que Alcide fait déjà

Il héberge son cadet qui le suit dans chacune de ses nouvelles affectations professionnelles et subvient à ses besoins. Notamment rue Louis Vivent .à Agen où il s'installe exerçant les fonctions, dès 1864, d'avocat à la cour impériale.

Louis a installé son laboratoire dans le grenier de la maison, qu'il déménagera à chaque nouvelle affectation d'Alcide qui vient d'épouser Marie Césarine de Foucauld, une templaise. C'est à cette époque qu'il imagine et travaille sur ce qui sera appelé plus tard le cinéma.

Quatre ans plus tard, Alcide est élevé aux fonctions de juge au tribunal de Lectoure. C'est là près des remparts que Louis travaille sur ses recherches. C'est là qu'il poursuit ses tentatives de fixer les couleurs sur papier et c'est là, qu'il produira la toute première photo couleur stable (une nature morte de feuille et de fleurs) qui débouchera à sa publication sur la trichromie.

Alcide reviendra à Agen en décembre 1869, en qualité de juge au tribunal civil. Louis bien entendu l'accompagne. Ils résident dans un premier temps cours Saint-Antoine, puis en 1870 boulevard Scaliger où Louis réalisera les premières photographies couleurs en extérieur..

En 1880, la famille s'installe rue Palissy car Alcide s'apprète à quitter la Métropole car il est nommé, pour l'année suivante conseiller à la cour d'appel d'Alger.

A partir de cette époque, Louis se déplacera avec toujours les subsides de son frère, entre Agen, Lectoure, Alger, Toulouse, Paris poursuivant ses recherches et ses expérimentations inlassablement, publiant et déposant des brevets, se lançant dans l'industrialisation de ses procédés, chutant sous les coups du sort et se relevant, sans cesse...

Il tentera maintes fois de commercialiser ses inventions, sans toutefois y parvenir, marqué par un destin funeste qui lui interdit les succès. Même bien après sa mort, le sort s'acharne sur lui au point qu'il reste inconnu de la plupart d'entre nous. L’opiniâtreté dont il fait preuve est sans doute la qualité qui le rend si cher à notre estime et c'est aussi ce qui motive les Amis de Louis Ducos du Hauron à lui rendre l'aura qu'il mérite.

Le pianiste de 15 ans a depuis longtemps abandonné le clavier pour la chambre noire et focalisé son esprit sur le domptage de la lumière. Il gardera pourtant un amour passionné pour la musique qui lui fera dire, dans une superbe métaphore d'homme cultivé qu'il était, en inventant la photographie en couleurs:

« Trois notes suffisent pour l'orchestration de la couleur ».